L’époque florissante des sociétés musicales

Decazeville : Pierre Bourdoncle nous raconte le début du siècle
D’après le journal « La Dépêche du Midi », édition du 17 août 1999

 

Avant les Clair et Net, Chorale en sol mineur et autre Lyre Decazevilloise, le Bassin a toujours été une terre de musiciens. Une véritable mémoire du Bassin, Pierre Bourdoncle nous raconte les sociétés musicales du début du siècle.

Lorsque Pierre parle de sa passion, la musique, on resterait des heures à l’écouter. Il a rassemblé de nombreuses informations et témoignages d’anciens sur les sociétés musicales du début du siècle. Ces données lui permettent de décrire avec précision l’époque révolue où, en l’absence de radio (et encore plus de télévision), les gens écoutaient les sociétés musicales locales.

  • Dix sociétés

Au début du siècle, une dizaine de sociétés musicales issues du Bassin animaient les rues et donnaient des concerts très suivis. Il y avait l’Union Orphéonique de Decazeville.

Cette chorale masculine, créée en 1900 a perduré jusqu’en 1939. Il y avait également la Lyre Decazevilloise, fondée elle aussi en 1900, qui recrutait essentiellement ses musiciens parmi les ouvriers. La troisième société decazevilloise réunissait exclusivement des trompes de chasse. Elle avait pour nom «Sonneurs Réunis de Decazeville».

Mais, de nombreux orchestres existaient également aux alentours de Decazeville. Il y avait l’Union Orphéonique de Combes, l’Orphéon SainteCécile d’Aubin, l’Harmonie Aubinoise, l’Harmonie de Viviez, la fanfare des Enfants de la Vieille Montagne de Penchot et l’Estudiantina de Penchot (un ensemble à plectres, un des seuls à accepter les musiciennes). Cette énumération serait incomplète sans citer la puissante Harmonie des mineurs de Cransac. Les 80 musiciens de cet ensemble, tous mineurs de fond, répétaient pendant les heures de travail… autant dire que l’absentéisme était faible.

Cette formation se saborda dans les années 1950, après la nationalisation des mines.

  • Pas de tenue officielle

A l’époque, à l’exception de l’Harmonie de mineurs de Cransac, aucune société n’avait d’uniforme. Les chanteurs de l’Orphéon de Decazeville se reconnaissaient à leur béret vert tandis que les musiciens de la Lyre étaient eux coiffés d’une casquette sombre.

Les musiciens assistaient assidûment aux répétitions (des amendes étaient prévues en cas d’absence !). Le sérieux du travail fourni leur permettait de présenter chaque année un concert sous le kiosque. Celui de Decazeville occupait l’emplacement actuel du monument aux morts.

  • Le déclin

Cet âge d’or des sociétés musicales est maintenant révolu. Pierre Bourdoncle émet trois hypothèses explicatives au lent déclin. «Les deux guerres ont tué de nombreux musiciens et bien souvent, des sociétés mises en sommeil pendant la guerre n’ont jamais pu reprendre leurs activités. La seconde explication réside dans les crises démographiques successives qu’a connu le Bassin. Enfin la troisième explication est liée à des innovations technologiques : avec la radio, puis la télévision, les gens se sont sûrement refermés sur eux-mêmes».

Des dix sociétés musicales du début du siècle, une seule a survécu jusqu’à nos jours : la Lyre Decazevilloise. Cette harmonie fêtera l’an prochain son centenaire. Les jeunes musiciens qui la composent ignorent probablement tout de ce riche passé. Dans les rangs de cet orchestre subsistent cependant quelques anciens, comme Vincent. Derrière son pupitre, ce tromboniste se souvient des années 50. A l’époque, il jouait ses premières notes dans l’Harmonie de Viviez…