François Madrid : l’hommage de la Lyre Decazevilloise

François Madrid, figure du quartier Miramont à Decazeville et personnage emblématique de la Lyre Decazevilloise, s’est éteint à l’âge de 93 ans. François nous a quittés après 60 ans passés dans les rangs de la Lyre, un bel exemple de longévité et d’implication pour nous tous et tout particulièrement pour les jeunes générations. Pour François et la musique, tout commence au début de la seconde guerre mondiale. En 2005, il se confie au chef de musique Loïc Randeynes à l’occasion de la rédaction d’un mémoire universitaire :

« Pendant la guerre, mon frère Pêpe achète un accordéon et prend des cours chez Lisou Bras. Défense à nous d’y toucher. Cela dure quelques temps, puis comme toujours, cet interdit se relâche un peu. Ma sœur Carmen commence à essayer l’accordéon et arrive rapidement à jouer quelques airs. Voyant cela à mon tour je me mets à tapoter sur le clavier de la main droite et à l’oreille je joue « Bohémienne aux grands yeux noirs » qui était le tube de l’époque. Je prends goût à cet instrument et sur la méthode d’accordéon, j’étudie la position des boutons. Par la suite avec cet ouvrage que je complète par d’autres partitions, je m’attaque à d’autres morceaux tels que « Les yeux noirs », « O Mexicana », « Ignace »… Cela me plait et j’y passe pas mal de temps, le tout compliqué par une brûlure aux yeux suite à un accident. Je ne vais pas au collège et j’en profite pour bûcher l’accordéon car je souhaite jouer au mariage de mon autre frère Sylverio. Mais voilà que Pêpe revend son accordéon, donc fini la musique pour quelques années.

En 1946, Jean Pelou qui travaille avec moi à l’usine apprend le solfège chez Raymond Robin qui est le nouveau chef de musique de la Lyre Decazevilloise. Comme instrument Jean reçoit un cornet à pistons, car à cette époque on choisit pour nous l’instrument en fonction des besoins. Un jour mon ami Jean apporte à l’atelier son instrument et un dénommé Grialou qui est trompette à la Lyre vient nous voir, prend le cornet et nous monte la gamme. Cette sonorité m’est agréable et c’est là que je veux essayer de jouer de cet instrument. Louis Armstrong ou Aimé Barelli que l’on entend alors à la radio me confortent dans mon choix. Par la suite Jean Pelou se paye une trompette neuve et quelques années plus tard il me la prêtera. Cela me tente, mais n’ayant pas les moyens de m’en payer une, je me fabrique une embouchure en bois que j’enfile dans un bout de tuyau flexible ! J’essaie d’émettre des sons… sans trop de résultats ! C’est à cette époque que quelques jeunes de la Lyre montent un orchestre de variétés appelé « Compagnons de la Nuit ».

En 1954, mon collègue Railhac qui travaille aux plaques modèles vient me voir. Il veut apprendre le solfège et me propose de venir avec lui. On aura des cours ensemble et je m’inscris rapidement à l’école de musique de la Lyre. A cette époque j’ai 29 ans et je suis marié. Le jour de la première leçon arrive et nous sommes cinq dans la classe. On nous remet un solfège que nous payons ainsi que l’inscription. C’est dans la vieille salle en planches, à côté du lavoir rue Maréchal Joffre, qu’ont lieu les leçons de solfège et les répétitions de la Lyre et des Compagnons de la Nuit. Je crois que l’on a pris que deux ou trois leçons dans cette salle car elle a pris feu le 19 octobre de la même année. A partir de cette date, et jusqu’à ce jour il ne se passe une seule journée, y compris fêtes et fériés, sans je bûche mon instrument et le solfège. »

En soixante ans de carrière musicale, François Madrid a été de toutes les sorties et de tous les succès de la Lyre Decazevilloise : Ax-les-Thermes ; Lourdes ; concours national de musique du Château d’Oléron où la Lyre se déplace en tête d’affiche, fait exceptionnel destiné aux meilleures sociétés musicales ; voyages d’agrément avec la Lyre dans les châteaux de la Loire et sur la côte d’Azur; fête de Decazeville en 1968 où la Lyre participe à la cavalcade sur un char construit par les musiciens eux-mêmes ; tournée en Bretagne, festivités du centenaire de la Lyre, concert Starmania avec les élèves de M. De Luycker du collège Paul Ramadier ; déplacement musical à Coazze en Italie… et tellement d’autres souvenirs encore.

Durant toutes ces années, François restera un musicien discret qui, pour l’anecdote, aura toujours occupé la même chaise dans la salle de répétition. Il s’est vu confier un temps des leçons de solfège à l’école de musique. Ses élèves se rappellent avec émotion de son enseignement exigeant. Certains élèves sont devenus des musiciens confirmés. L’une d’elle garde le souvenir d’un gentil monsieur, d’un musicien fidèle au poste, d’un compagnon d’orchestre enjoué. Quelle belle et exemplaire carrière musicale ! C’est une page qui se tourne à la Lyre Decazevilloise mais son engagement continuera d’être cité en exemple dans notre orchestre d’harmonie. Il va retrouver sa Lyre d’antant aux côtés de ses défunts compagnons Vivas, Ricci et bien d’autres sous la direction du chef Robin qu’il n’a jamais oublié. A sa famille et ses proches, la Lyre decazevilloise souhaite témoigner de ses meilleurs souvenirs et de sa profonde reconnaissance.